Si le climat n’est pas figé et obéit à des cycles, l’homme est largement responsable du réchauffement récent. Comment ? Et pourquoi en est-on si sûr ? Explications

Que la tendance soit au réchauffement climatique sur notre planète depuis 1850, cela ne fait aucun de doute au sein de la communauté scientifique. Ce que discutent les climatosceptiques, c’est plutôt son ampleur et l’influence de l’homme.

 

Fin mars, Vladimir Poutine se félicitait par exemple que le réchauffement, et la fonte des glaces qui l’accompagne, facilite la navigation dans l’Arctique russe et l’exploitation des ressources de cette région à des fins économiques. En revanche, le président russe mettait dans le même temps en doute le rôle de l’homme, jugeant que le réchauffement climatique est lié à "des cycles globaux sur Terre", qu’il est impossible à arrêter et que "la question est de s’y adapter".

Que le climat ne soit pas figé et obéisse à des cycles, personne ne le nie. "Il a toujours changé et il changera toujours", déclare Serge Planton, chercheur climatologue à Météo France. Mais pour comprendre pourquoi les scientifiques attribuent le réchauffement récent à l’homme, il faut bien comprendre comment le climat fonctionne et quels sont ses cycles. Pour cela, les scientifiques disposent de différentes données.

800 000 ans de données sur le climat

"On peut reconstituer l’évolution du climat sur une période d’environ 800 000 ans à partir de carottes de glace effectuées dans l’Antarctique, où nous avons des périodes de temporalité longue", explique Serge Planton. Nous savons ainsi que le climat alterne entre périodes glaciaires et interglaciaires (plus chaudes) tous les 100 000 ans.

 

Grâce aux carottes glaciaires, les scientifiques peuvent retracer l'histoire du climat sur au moins 800 000 ans.
Grâce aux carottes glaciaires, les scientifiques peuvent retracer l’histoire du climat sur au moins 800 000 ans.
Crédit photo : PHILIPPE DESMAZES AFP

 

Pour les périodes plus récentes, les scientifiques étudient également des indices moins directs, comme les cernes des arbres, les coraux, les pollens ou les relevés historiques. Ce qui leur a notamment permis de tracer une courbe de température plus fine sur les 1 300 dernières années. Ils ont ainsi pu relever des fluctuations à plus petite échelle et identifier des facteurs différents de ceux qui déterminent les périodes glaciaires et interglaciaires. Sans compter les mesures bien plus précises pour la période récente.

Glaciaire, interglaciaire : quelles différences concrètement ?

Autant d’éléments qui permettent aux climatologues d’affirmer que le dernier maximum glaciaire a eu lieu il y a 21 000 ans. Puis la température a commencé à se réchauffer progressivement (et naturellement) et nous sommes rentrés dans la période interglaciaire actuelle, il y a environ 10 000 ans, explique Serge Planton. A l’origine de ces cycles qui durent environ 100 000 ans : des variations des paramètres astronomiques. Plus exactement de l’orbite de la Terre autour du Soleil, qui évolue dans le temps, passant d’une forme quasi circulaire à une forme plus elliptique (ovale), en raison notamment des attractions gravitationnelles exercées par les planètes du système solaire ainsi que le Soleil. L’inclinaison de l’axe de rotation de notre planète influe aussi.

 

Sud Ouest
Crédit photo : CC by Nasa

 

En ce moment, l’orbite de la Terre est notamment moins allongée, ce qui explique pourquoi nous sommes dans une période interglaciaire. "Notre distance moyenne par rapport au Soleil est moins grande, plus constante sur une année", explique le chercheur-climatologue. "Nous recevons donc plus d’énergie et le climat est plus chaud."

Il existe tout de même deux mécanismes d’amplification. Tout d’abord, la couverture des glaces. Moins il y a de glaces, moins la surface de la Terre est réfléchissante et plus elle absorbe d’énergie solaire, ce qui influe sur l’écart de température entre période glaciaire et interglaciaire. Comme le précise Serge Planton, il y a 20 000 ans, la calotte glaciaire de l’hémisphère Nord s’étendait jusque sur l’Angleterre, là où aujourd’hui elle ne recouvre que le Groenland. Deuxième élément, l’augmentation des concentrations en gaz à effet de serre. En tenant compte de tout cela, concrètement, les climatologues évaluent la hausse de température entre la dernière période glaciaire et maintenant entre 3 et 8°C, à l’échelle planétaire.

 

Voici l'étendue de la calotte glaicaire de l'hémisphère Nord (à gauche), comparée à son étendue dans les années 2000 selon les observations satellites.
Voici l’étendue de la calotte glaicaire de l’hémisphère Nord (à gauche), comparée à son étendue dans les années 2000 selon les observations satellites.
Crédit photo : UCL/ASTR

 

L’étude des pollens a par ailleurs permis aux scientifiques de déterminer qu’en Europe, le climat de l’époque était plutôt de type sibérien. Une thèse notamment appuyée par les peintures murales de la grotte Cosquer, en PACA, fréquentée par l’homme il y a 27 000 et 19 000 ans avant J.-C. Sur les parois, au milieu des peintures de cervidés, aurochs et autres bisons, ont trouve aussi des représentations… de pingouins. Preuve qu’il devait faire froid du côté de Marseille à l’époque…

 

Avec la fonte des glaces, le niveau des mers a monté et la grotte Cosquer est partiellement immergée.
Avec la fonte des glaces, le niveau des mers a monté et la grotte Cosquer est partiellement immergée.
Crédit photo : Wikimedia – CC by Jespa

 

Quand à savoir combien de temps nous allons rester dans cette période plus chaude :

"Si l’on se base sur les paramètres naturels, cette période interglaciaire devrait durer 20 000 ans de plus, soit 30 000 ans au total. Mais les paléoclimatologues ont calculé qu’avec l’injection dans l’atmosphère de gaz à effet de serre dus aux activités humaines, elle pourrait durer 10 000 à 20 000 ans de plus. Ensuite, on entrera de toute façon dans une période glaciaire, progressivement, avec un maximum de froid dans 80 000 ans" Serge Planton

Bémol, certains climatologues s’interrogent sur les calottes. Vont-elles se reformer comme elles s’étaient formées lors des précédentes périodes glaciaires ? "C’est encore un sujet de recherche, car il n’est pas exclu que d’ici là, la calotte du Groenland ait complètement fondu, tout comme une partie importante de la calotte antarctique", souligne le climatologue de Météo France.

 

Et si , même lors de la prochaine ère glaciaire, les glaciers ne se reformaient pas ?
Et si, même lors de la prochaine ère glaciaire, les glaciers ne se reformaient pas ?
Crédit photo : illustration NICK COBBING

 

Peut-on soudain vivre un nouveau "petit âge glaciaire" ?

Voilà pour l’alternance entre ère glaciaire et interglaciaire. Mais il existe d’autres cycles. Par exemple, si la déglaciation d’il y a 20 000 ans s’est montrée propice au développement de l’homme, la période n’est pas exempte de fluctuations. Les chercheurs ont notamment identifié en Europe du Nord une période légèrement plus chaude entre l’an 950 et 1250 (optimum médiéval) et une période plus froide entre 1450 et 1850 (petit âge glaciaire). Là encore, l’homme n’y est pour rien.

Prenons le cas du "petit âge glaciaire" qui a duré 400 ans. Durant cette période, "même si cela n’a pas été continu, il faisait entre 0,5 et 1°c de moins dans l’hémisphère Nord", souligne Serge Planton. "On sait par exemple que le Rhône charriait des glaçons". Mais pourquoi ? Première cause : le volcanisme. Les grandes éruptions volcaniques ont tendance à refroidir le climat durant quelques années. En effet, elles libèrent d’énormes quantités de soufre, injectées dans la stratosphère et qui se transforment en aérosols, atténuant ainsi le rayonnement solaire. Exemple : l’éruption du Tambora, en 1815 en Indonésie. Considérée comme la plus violente des temps historiques, elle est à l’origine de l’année sans été (1816).

 

"Didon construisant Carthage", de William Turner. Pour son coucher de soleil rougeoyant, le peintre aurait été inspiré par l'éruption du Tambora.
"Didon construisant Carthage", de William Turner. Pour son coucher de soleil rougeoyant, le peintre aurait été inspiré par l’éruption du Tambora.
Crédit photo : CC by The Athenaeum

 

Deuxième cause : l’activité solaire. Outre un cycle de onze ans (dit "de Schwabe"), qui ne colle pas aux fluctuations du climat, il existe des variations à plus grande échelle. C’est notamment le cas du Grand minimum solaire de Maunder (1645–1715), bien documenté par l’observation des tâches solaires. A noter qu’un Grand minimum comme celui-ci n’a encore jamais été observé à notre époque, du moins depuis qu’il existe une couverture satellite.

L'éruption du Pinatubo a envoyé une importante quantité d'aérosols et de cendres volcaniques dans la stratosphère.
L’éruption du Pinatubo a envoyé une importante quantité d’aérosols et de cendres volcaniques dans la stratosphère.
Crédit photo : CC by United States Geological Survey

S’ajoutent à cela la couverture des glaces et la variabilité interne du climat. Autant de causes naturelles dont on peut se demander si elles pourraient se reproduire à notre époque, nous plongeant à nouveau dans un "petit âge glaciaire". Serge Planton y croit peu. Du moins sur une telle durée. Il y a bien eu en 1991 l’éruption du Pinatubo, aux Philippines, l’une des plus importantes du 20e siècle. Elle est considérée comme l’origine de refroidissement du climat observé à l’échelle mondiale en 1992. Mais cela n’a duré qu’un an.

Quant à l’apparent ralentissement du réchauffement observé entre 1998 et 2014, une étude parue en janvier 2017 dans la revue Sciences Advances est venue confirmer qu’il ne s’agissait que d’une simple illusion, ce qu’avait déjà avancé en 2015 l’Agence américaine océanique et atmosphérique américaine (NOAA).

Le climat se réchauffe, et l’homme en est bien responsable

Non, comme le martèlent notamment les experts du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), la tendance est bien au réchauffement depuis 1850. Et cela s’accélère depuis 1950. Au 20e siècle, la température moyenne du globe a augmenté d’environ 0,6 °C et celle de la France métropolitaine de plus de 1°C. Et depuis 2000, la planète a enregistré cinq années record : 2005, 2010, 2014, 2015 et 2016

Cela n’a évidemment rien à voir avec l’alternance entre ère glaciaire et interglaciaire. "Les effets du volcanisme et de l’activité solaire ayant un effet quasiment nul, on ne peut pas leur attribuer ce réchauffement non plus", ajoute Serge Planton.

Pour tenter de comprendre l’évolution actuelle, les chercheurs s’appuient sur des simulations du climat passé. Ils "jouent" sur les différents facteurs et comparent ensuite les résultats de ces simulations avec les données mesurées. En prenant uniquement en compte les facteurs de variabilité naturelle (volcanisme, rayonnement solaire et variabilité interne), les modèles montrent des résultats assez proches des observations… mais seulement jusqu’à la moitié du 20e siècle. Au-delà, les températures observées sont bien supérieures à celles simulées par le modèle. L’explication est donc ailleurs. Et il se trouve qu’il n’y a qu’en intégrant les gaz à effet de serre liés aux activités humaines que les climatologues parviennent à faire correspondre les données simulées et les mesures réelles.

"Dans l’état actuel des connaissances, la conclusion est simple : il est extrêmement probable que plus de la moitié de l’augmentation observée de la température moyenne à la surface du globe entre 1951 et 2010 est due à l’augmentation anthropique des concentrations de gaz à effet de serre et à d’autres forçages anthropiques conjugués" Les experts du Giec
 
 
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